Depuis Freud, nous avons compris que notre esprit comporte plusieurs parties. Notamment une partie consciente, dont nous avons… conscience, mais également une partie inconsciente, dont nous n’avons… pas conscience, évidemment ! On représente souvent notre esprit comme un iceberg, dont la partie visible serait la partie consciente, et la partie sous l’eau, l’inconscient. Comme dans tout iceberg, la partie sous l’eau est beaucoup plus importante que la partie au-dessus de l’eau. A tel point qu’on estime que plus de 98% de nos comportements, de nos émotions, sont gérées par l’inconscient… Alors en hypnose, comme on aime bien obtenir rapidement des résultats, on s’est dit que ce serait mieux d’aller directement parler au « boss », à la partie inconsciente. Mais pour accéder à cette partie inconsciente, comme on n’en a pas conscience consciemment, il nous faut décaler l’état de conscience, créer un état de conscience modifié, bref, entrer en hypnose…

Oui mais voilà, Freud, c’était il y a 100 ans (saviez-vous qu’il était formé à l’hypnose ?), et depuis, on a pas mal avancé sur la compréhension de notre esprit… Je vais vous faire part d’un modèle qui, aujourd’hui, est communément accepté dans le monde scientifique et de la psychologie. C’est un modèle, donc une approximation de la réalité. Comme tout modèle, il ne prétend pas être universel et répondre à tout, mais il est bien pratique, vous allez voir…

Ce modèle, c’est celui des sous-personnalités (je reprends la terminologie de ce génie méconnu qu’est Assagioli qui a créé la Psychosynthèse). On retrouve une approche très semblable chez de nombreux grands noms de la psychologie moderne, avec parfois d’autres noms : ego-states de Federn, archétypes de Jung, ou I-positions d’Hermans de la Dialogical Self Therapy, mais globalement on parle de la même chose.

Avez-vous remarqué, à quel point il peut y avoir comme une sorte de dialogue à l’intérieur, en nous ? Comme si plusieurs parties de nous étaient en discussion ? Par exemple, avez-vous déjà vécu ce moment, le matin au réveil, où une partie de vous vous dit : « vas-y lèves-toi, tu as plein de choses à faire ! », et au même moment, une autre vous dit : « mais non, reste couché, tu es fatigué… ». Il y a bien ici deux parties qui dialoguent : on parle d’esprit dialogique – pour ceux qui veulent approfondir je vous recommande l’excellent cours de Cyrille Champagne sur ce thème (cliquer ici). Et deux parties qui, si chacune vous veut du bien (l’une veut que vous soyez fier de ce que vous avez accompli et l’autre veut que vous vous reposiez), elles ne sont pourtant pas d’accord ! Alors s’en suit une négociation, et un compromis est généralement trouvé. Par exemple, vous vous lèverez tôt le matin la semaine pour aller travailler, et le WE et pendant les vacances, vous pourrez vous octroyer des grasses matinées…

Mais parfois, ces parties n’arrivent pas à se mettre d’accord. Alors commence une sorte de conflit intérieur. Par exemple c’est ce que ressent un fumeur, dont une partie de lui veut arrêter de fumer (c’est mauvais pour la santé, ça lui coûte cher, etc…), mais une autre n’est pas d’accord (sans qu’on sache trop pourquoi, cette partie veut absolument qu’il continue de fumer).

On retrouve une assez bonne description ce « combat » entre les sous-personnalités pour prendre le contrôle dans le dessin animé «Vice-Versa» (lien vers la bande annonce : en remplaçant le mot émotion par sous-personnalité vous verrez qu’on parle bien de la même chose !). Dans la tête de l’enfant, c’est la foire d’empoigne pour savoir quelle partie va prendre (temporairement) le contrôle. Car chaque partie écartée, va nourrir une frustration, et revenir revancharde, prendre à son tour le contrôle – c’est d’ailleurs le principe des régimes yo-yos (entre frustration et compulsion).

Finalement, plutôt que de voir l’inconscient comme la face immergée de l’iceberg, je vous propose de le voir comme un diamant. Un diamant dont chaque face serait une facette de notre personnalité, une sous-personnalité ! Cela expliquerait d’ailleurs la richesse de notre personnalité…

Comprendre qu’une personnalité est composée de plusieurs (au moins une 12aine) de sous-personnalités, permet de prendre du recul sur notre comportement, d’expliquer bien des choses, mais pas seulement chez nous, chez les autres aussi…

Pensez à toutes ces fois où vous avez été surpris par votre comportement, ou celui d’un autre, toutes les fois où vous n’avez pas compris ce qu’il s’est passé. Et si une sous-personnalité dont vous n’aviez pas conscience était à l’œuvre à ce moment-là. Cela expliquerait bien des choses. Peut-être que nos « contradictions » n’en sont pas, mais seulement l’expression de différentes parties qui souhaitent notre bien-être, mais de manière différente…

Et quand 2 ou plusieurs parties n’arrivent plus à trouver de compromis entre-elles, alors on commence à ressentir des conflits intérieurs, des blocages, la sensation que « c’est plus fort que nous ». Et notre conscient ne comprend pas ce qu’il se passe… Dans notre culture, on associe souvent les difficultés que quelqu’un rencontre à faire quelque chose, à un manque d’envie ou de volonté.

Cette approche, très culpabilisante, ne fait souvent que renforcer la partie qui ne veut pas que les choses bougent.

En comprenant qu’en fait, ce qui nous empêche d’avancer n’est que l’expression d’une ou plusieurs parties de nous qui ne se sentent pas assez écoutées, ou pas assez prises en compte, permet d’imaginer aisément un chemin thérapeutique. Car en résolvant ce conflit interne, alors le blocage pourra se lever naturellement, il deviendra possible d’avancer, en accord avec toutes les parties de soi…

Si ces sous-personnalités s’expriment à différents moments, dans différentes situations, on sent bien qu’il n’est pas facile de rentrer en contact avec elles. Mais en décalant, un peu, pas beaucoup, l’état de conscience (hypnose), il devient possible de rentrer en contact avec ces sous-personnalités. On peut alors leur parler, mais surtout, les écouter, écouter pourquoi elles font ce qu’elles font, et de quoi elles ont vraiment besoin.

C’est vrai, quand on y pense, pourquoi une partie de nous voudrait que nous continuions à fumer, alors que d’autres parties savent bien tous les effets négatifs du tabac ?

Aller à la rencontre d’une partie de nous avec laquelle on est en conflit, nécessite préalablement l’acceptation que son point de vue est important. Si vous vous présentez devant une partie de vous avec un esprit revanchard, avec l’envie de la détruire, alors à votre avis, est-ce que cette partie de vous va avoir envie de dialoguer avec vous ??

On cherche donc à mettre de côté les vieilles rancœurs, à aller à la rencontre de cette partie de nous que l’on ne comprend pas sans aprioris !

Rappelez-vous, toutes ces sous-personnalités font partie de notre inconscient. Et quelle est la fonction de notre inconscient ? La préservation ! Notre inconscient est là pour préserver la vie, préserver le bon fonctionnement. Il s’occupe de faire battre notre cœur, de la cicatrisation, de la digestion, de toutes les fois où on ne pense pas à respirer, bref, notre inconscient fait tout pour que nous survivions. Alors si une partie de nous, de notre inconscient a un comportement que l’on ne comprend pas, comme par exemple un « saboteur », alors peut-être qu’en comprenant que notre inconscient nous veut du bien, on pourrait accepter de revoir notre avis sur ce « saboteur » : quelle est son intention positive ? « Intention positive » ? Oui, car même si on ne la comprend pas, cette partie de nous qui continue à nous faire fumer, cette partie de nous qui sabote nos réalisations, et bien ces parties ont, de leur point de vue, une intention positive pour vous. C’est une des questions clés que votre thérapeute va vous aider à déterminer.

Exemple, j’ai eu un client qui avait le sentiment de saboter sa carrière, au point de ne pas réussir à obtenir la promotion qu’il espérait tant. La partie de lui qui l’empêche inconsciemment d’obtenir cette promotion avait en fait peur que cette promotion ne l’accapare trop par rapport à sa vie de famille, et que sa femme le quitte… dans ce cas, la compréhension de l’origine de ce qu’il pensait être un sabotage, mais qui en fait est un mécanisme de protection de son mariage, lui a permis d’avoir une grande discussion avec sa femme, mais aussi avec son chef pour mieux cadrer l’implication dans son prochain poste, et ainsi trouver le meilleur équilibre pour lui entre son travail et sa famille.

En intégrant la dimension temporelle dans l’apparition des sous-personnalité, on obtient un modèle particulièrement intéressant, qui se marie très bien avec la régression. Et, de fait, ne serait-il pas étrange que nous naissions tous avec, déjà tout prêts, l’ensemble des sous-personnalités dont nous aurons besoin dans notre vie ? N’est-il pas plus probable que ces sous-personnalités apparaissent au fur et à mesure de notre vie ?

On pourrait imaginer que notre développement psychique se fait, un peu comme le développement d’un arbre : par cercles concentriques. Dans notre vie, il y a des moments marquants, des moments où il se produit comme une cristallisation de la personne que l’on est à ce moment-là. Un peu comme si cette version de nous restait figée, composant l’un des cercles de ce développement. Et puis à d’autres moments marquants, il y aura d’autres cristallisations. Et nous nous développons ainsi, tout un tas de versions de nous-même figées à différents moments de notre vie, la dernière englobant les précédentes : comme des poupées russes.

J’aime à penser que mon métier d’hypnothérapeute, consiste parfois tout simplement à ouvrir ces poupées russes, et à demander à l’intérieur : « qui a besoin d’aide ? »

Dans ce cas, quand une partie dit « moi ! », alors on va aller à sa rencontre, l’écouter, et voir avec elle comment on peut l’aider. Aller à sa rencontre, c’est aller à la rencontre d’une version du client souvent plus jeune, qui est restée bloquée à un moment particulier, et, tout naturellement, lui parler, c’est replonger le client dans cette époque : c’est une régression !

C’est souvent là, qu’on peut apaiser ce qui a été à l’origine de la création d’une partie. On peut aussi l’aider à changer de point de vue, prendre en compte à quel point la situation a changé, mais aussi à quel point la personne a changé. En devenant adulte elle a développé des ressources physiques, émotionnelles, et psychiques qu’elle n’avait pas en tant qu’enfant ou adolescent. Et parfois certaines parties, trop ancrées dans le passé n’ont pas vu que tout cela avait changé. Une fois que les évènements du passé sont apaisés, c’est plus facile de trouver une solution dans le présent. Parfois les autres parties qui ont, elles aussi leur mot à dire. On appelle cela, la « négociation des parties ». Il est à noter, que l’accord auquel les parties arrivent, n’est pas toujours connu ni conscientisé. Cela peut rester inconscient (y compris de l’hypnothérapeute). Mais le plus important n’est-il pas la résolution du problème ?

Exemple d’un client qui fume depuis 25 ans, a arrêté de multiples fois, mais repris rapidement à chaque fois. Sous hypnose, la partie de lui qui veut fumer nous indique que quand il avait 15 ans, il était régulièrement en conflit avec ses parents. Alors il claquait la porte de la maison, partait dans le bois derrière la maison, et là, sur son rocher, il s’allumait une cigarette. A ce moment-là, il se sentait libre… Cette partie de lui a associé liberté et cigarette, et donc arrêter de fumer devient rapidement insupportable pour lui, comme si il était enfermé…

En aidant la partie de 15 ans à dissocier cigarette et liberté, on a pu facilement aider le client à se libérer de la cigarette, tout en gardant la liberté…

Comme toujours, l’hypnose n’est que suggestions. Il arrive parfois, c’est très rare, que certains clients n’adhèrent pas à l’approche des sous-personnalités. Ils peuvent confondre sous-personnalité avec schizophrénie (pour comprendre : dans la schizophrénie il y a réellement plusieurs personnalités qui co-existent, alors que dans un esprit « normal » il n’y a qu’une personnalité, qui est composée de plusieurs sous-personnalités).

Dans ce cas, rien ne sert d’insister, la suggestion ne passe pas. Ce sera au praticien de trouver d’autres métaphores qui seront plus acceptables par le client.

Enfin, il existe des cas très rares, où au plus profond d’elle-même, le client ne souhaite pas se réconcilier avec la partie qui lui pose problème. J’ai eu un cas comme ça d’une cliente avec des troubles alimentaires, qui était très en colère contre la version jeune d’elle-même. Elle avait vécu une enfance difficile, et avait fait beaucoup d’efforts pour devenir quelqu’un d’autre, un peu comme une rupture dans le continuum de développement (démarrer une nouvelle poupée russe déconnectée de la première). Un beau jour à l’adolescence, elle a « accouché » d’une nouvelle version d’elle-même qui n’avait plus tous les problèmes de la précédente, et qui lui a permis de réussir dans sa vie professionnelle et personnelle. Mais voilà, un beau jour, de vieux démons du passé sont revenus la visiter avec des problématiques alimentaires. Mais il était impossible pour elle de se réconcilier avec la jeune fille qu’elle avait mis tant d’énergie à effacer. Nous avons donc dû nous rabattre sur d’autres approches, comme notamment l’approche symbolique (prochain article).

Il y en a énormément, c’est un grand « classique » de l’hypnothérapie.

En voici une liste, non exhaustive :

• Blocages,
• Saboteur,
• Addictions,
• Troubles du sommeil,
• Fatigues chroniques (non médicales),
• Arrêt du tabac,
• TOCs,
• Troubles alimentaires…

En conclusion :

Je trouve le modèle des sous-personnalités particulièrement éclairant pour mieux comprendre notre fonctionnement et celui des autres. Pourquoi peut-on vouloir une chose et son contraire, ou pourquoi nos comportements peuvent autant varier… Ce modèle est en outre particulièrement efficace en thérapie, en particulier quand on veut changer quelque chose en soi, et qu’on n’y arrive pas. C’est sans doute qu’une de nos sous-personnalité n’est pas d’accord, ou ne perçoit pas le bénéfice de ce changement. L’hypnose, en particulier grâce à sa grande facilité à créer des dissociations, et l’outil idéal pour aller réconcilier nos sous-personnalités.

Voilà, vous en savez plus sur votre esprit et les sous-personnalités. J’espère que cet article vous aura plu. Si c’est le cas, n’hésitez pas à le partager, c’est vraiment l’objectif que d’informer le plus grand nombre, et donner une meilleure compréhension de ce qu’est l’hypnose thérapeutique.

A bientôt pour un prochain thème de : comprendre l’hypnose.

Merci de partager cet article pour qu’il soit utile au plus grand nombre.

Prenez soin de vous !