Congrès HypnoseS 2017

par | 29 Déc 2017 | Evènement, Praticiens | 0 commentaires

Les scientifiques nous le confirment : on ne sait pas vraiment définir un état de conscience modifié !

Ni un état de conscience « normal » d’ailleurs !

Ni même la conscience en fait…

Les 13 et 14 mai 2017, se tenait à Paris, à la Maison de la Mutualité, le premier grand congrès sur l’hypnose, ou plutôt LES hypnoseS, réunissant 800 Hypnos francophones.

Je vous propose ici une petite synthèse toute personnelle des éléments qui m’ont le plus marqué.

L’équipe de l’Arche et son Directeur Kevin Finel (organisateurs de l’évènement) nous ont proposé comme fil conducteur un voyage dans l’univers de la transe (on sent dans le programme la patte de Cyrille Champagne et la trame du cours hypnologie sur la chaine Youtube de l’Arche). Abordant différentes pratiques de l’hypnose, des sagesses ancestrales aux derniers apports des neurosciences, avec la participation de nombreux grands experts internationaux de l’hypnose.

Et si tout avait commencé il y a bien longtemps ?

La transe des anciens

Méditation et hypnose

Foutez-vous la paix !

Fabrice Midal nous a présenté sa vision laïque de la méditation (il est le fondateur de l’école occidentale de méditation).

Souhaitant dépasser les idées reçues sur la méditation, M. Midal nous invite à ne pas prendre une position particulière, ni chercher arrêter la pensée, ou toutes ces choses dont on pense qu’elles sont nécessaires pour méditer. Non, il nous suggère juste de : « nous foutre la paix » ! Il nous propose alors d’en faire l’expérience à travers une méditation guidée très agréable.

Pour les hypnos, il ne vous aura pas échappé que cette focalisation interne est une induction…

Le chamanisme : une forme d’hypnose ancestrale ?

Au delà de la méditation, on retrouve de nombreuses traditions ancestrales qui ont utilisé la transe pour soigner. Véritables hommes-médecines, les chamanes utilisaient plusieurs formes de transes. Que se soit avec l’aide de plantes comme la célèbre boisson l’ayahuasca, ou bien avec le rythme du tambour, les chants ritueliques, ou bien encore les swet lodges (tentes de sudation), tout était mis en oeuvre pour favoriser l’émergence de transes, parfois profondes. David Dupuis (qui a fait une thèse d’ethnologie et anthropologie sociale sur le chamanisme métis – photo en N&B) nous a appris que certains rituels utilisant l’ayahuasca notamment, nécessitaient une véritable purge, un seau pour vomir étant mis à disposition à coté de chaque participants. Puis, différentes visions (hallucinations) et réactions survenaient. Après la cérémonie, une tentative d’explicitation des visions/réactions avec les initiés permettaient une mise en perspective de ce que le participant a vécu et son histoire personnelle. Alors une nouvelle cérémonie pouvait avoir lieu, approfondissant le travail sur la base du « décryptage » effectué. Ces cérémonies avaient lieu dans des tentes, représentant symboliquement le ventre d’une mère, avec l’idée de pouvoir y renaitre, en ayant modifié ce que l’on souhaitait.

Dario Hampi Pakari (Docteur en psychologie et homme médecine – photo à la conférence) nous a fait partager sa connaissance des traditions chamaniques anciennes, et nous a gratifié plus tard d’une séance de chants traditionnels (avec le fameux tambour dont ne se sépare jamais le Chamane).

L’hypnose moderne

Rossi et les débuts de l’hypnose « moderne »

A partir des années 30, Milton Erickson fait faire un bon important à l’hypnose, développant une approche novatrice (qui porte son nom et à laquelle je suis formé). Nous avons eu la chance d’avoir Ernest Rossi, en quelque sorte le fils spirituel d’Erickson qui a longtemps travaillé avec lui. D’un certain âge et résidant aux Etats-Unis, il a participé au congrès en visio conférence avec sa femme Kathlyn.

Lors de cet échange, il nous a fait partager une transe collective tout en nous proposant un protocole simple et très efficace de réconciliation entre la partie enfant, la partie adulte, et la partie adolescente en nous.

Pour ma part, après ses 2 premières phrases, j’étais déjà en transe (comme la plupart des participants). Ratifiant de manière subtile la fatigue qui commencait à se faire ressentir dans la salle (fin d’après-midi le samedi), et profitant de petits problèmes de connexion, il nous a « cueilli » à froid ! Une expérience étonnante…

A la fin de l’intervention, nous avons tous rempli un questionnaire sur notre expérience lors de cette transe qui alimentera une grande étude internationale.

Stanislas Grof et la psychologie transpersonnelle

Après avoir étudié pendant des années les effets du LSD sur des patients dans son service psychiatrique à Prague, Grof a constaté que la plupart de ses patients décrivaient des expériences similaires. Il en a déduit une cartographie novatrice de la psychée humaine et a introduit la notion de matrices périnatales. L’idée est de considérer que ce qui se passe juste avant la naissance et lors de la naissance en elle-même est également important (c’était alors peu ou pas du tout pris en compte par les approches psy de l’époque).

Le lien avec l’approche des chamanes qui vont utiliser la transe pour proposer une expérience régressive ne vous aura pas échappé (la tente de sudation comme symbole du ventre de la mère ou bien l’ayahuasca psychotrope hallucinogène comme le LSD).

Ayant émigré aux USA après la chute du mur, Grof c’est retrouvé contraint par la législation américaine d’arrêter l’usage du LSD. Il a alors cherché une autre manière de créer les transes : la respiration Holotropique.

Toutes ces recherches ont conduit petit à petit Grof à développer une approche holistique de la psychologie, avec une dimension transcendentale, reprenant notamment les travaux de Jung et d’Assagioli sur l’inconscient collectif, ainsi que toutes les sagesses ancestrales qui considèrent l’existence d’un « tout » dont on peut faire l’expérience par la transe (comme par exemple les approches des bouddhistes qui font ce constat par de profondes méditations). A noter que la dimension spirituelle de la psychologie transpersonnelle n’a pas toujours trouvé un écho positif en France dans les milieux psy.

Je regrette que nous n’ayons pas pu aller plus loin dans son explication sur le modèle holographique de représentation du monde, faisant un parallèle avec l’holographie optique. Ce modèle permettrait notamment d’expliquer les expériences archétypales, mais je n’e m’aventurerai pas plus loin sur ce sujet, car je ne suis pas sur d’avoir tout compris : il faut que je creuse cette idée…

 

Nardone et la transe sans hypnose

On va amener la problématique dans le grenier, puis on va retirer l’échelle…

Giorgio Nardone, père de la thérapie stratégique (et fils spirituel de Paul Watzlawick – un des pontes de l’école de Palo Alto), nous a présenté ses travaux. Il a créé de nombreux protocoles thérapeutiques qui font référence notamment pour les troubles compulsifs, les TOC, les troubles alimentaires et les phobies.

Nous avons passé toute l’après-midi du dimanche avec lui, il nous a notamment fait une démonstration avec une volontaire qui voulait régler un problème de trouble alimentaire.

Son approche m’a donné l’impression de mêler hypnose conversationnelle, thérapie provocative (de Farrelly), et surtout d’incroyables prescriptions de tâches.

Avec beaucoup de bienveillance, la séance va commencer par de nombreux recadrages (par exemple désidentification de la problématique et de l’identité) afin d’aller au coeur de la problématique. Puis l’utilisation de nombreuses reformulations (créant un yes set) afin de proposer des prescriptions « paradoxales » (elles donnent l’impression d’amplifier le problème). Ces prescriptions ont pour objectif de permettre à la personne de reprendre le contrôle en contournant la résistance (qui ne résistera plus car elle vont dans le même sens).

Par exemple : choisir de laisser son TOC s’exprimer librement, mais lorsqu’il s’exprime, se forcer à le répéter 7 fois de suite. Ces prescriptions sont acceptées par le sujet de part la qualité de la relation créée par le thérapeute, et grâce à l’hypnose conversationnelle.

Cette approche, très fine, me semble vraiment intéressante, mais pas si simple à appréhender…

Utilisation des symboles

Paul Pyronnet, grand spécialiste français de la PNL, nous a présenté une méthode symbolique mettant en oeuvre 5 symboles (disque, triangle, carré, croix et spirale). La symbolisation permet une approche indirecte des problématiques, activant notre imagination (on l’utilise beaucoup en hypnose).

Ce que Paul Pyronnet apporte dans son modèle, c’est l’utilisation de la signification archétypale des symboles, et en plus, il propose que l’ordre dans lequel nous mettons ces symboles indique une manière de nous représenter notre problématique, et surtout, une manière d’aborder la résolution de la problématique par l’ordre que nous avons défini (cf. photos ci-contre). Un outil simple et intéressant.

ScienceS et hypnose

De nombreux scientifiques étaient invités lors de ce congrès, pour des interventions spécifiques ou pour des tables rondes.

Quelle bonne idée de mêler dans le même congrès, les approches ancestrales et les recherches de pointes sur l’hypnose !

J’ai particulièrement apprécié l’intervention de Mathieu Landry (chercheur à l’institut neurologique de Montréal) qui est venu du Québec nous parler de son travail sur le fonctionnement du cerveau sous hypnose. Il semble particulièrement difficile de définir un référentiel standard et un protocole en laboratoire pour étudier l’hypnose. Chaque transe dépendant tellement du sujet, de l’opérateur, mais aussi du contexte… L’expérience est tellement subjective, qu’il est difficile de l’objectiver. Il s’appuie notamment sur la micro-phénoménologie (ou entretiens d’explicitation) qui propose des entretiens très fouillés pour décrire l’expérience subjective.

Une partie importante de son travail consiste à étudier les corrélations entre ce que l’on observe du fonctionnement du cerveau, et l’expérience subjective du sujet. Un travail d’analyse statistique.

Une table ronde réunissant 6 scientifiques (Docteurs en psychiatrie, sciences cognitives, neurophysiologie, neurosciences, etc…) a évoqué les méthodologies de recherche pour l’hypnose. De nombreuses choses intéressantes ont été dites. Je vous en rapporte 2 qui m’ont particulièrement marqué : l’hypnose est un ensemble de dynamiques cérébrales et pas un état statique, ce qui complexifie énormément son analyse. Et puis ce constat étonnant : on ne sait pas vraiment définir un état de conscience modifié. Ni un état de conscience « normal » d’ailleurs ! Ni même la conscience en fait…

En conclusion, à la question « si on devait constituer ensemble une équipe pour étudier l’hypnose ? », nous avons pu constater que chacun aborde la question avec un angle lié a son domaine d’expertise, et qu’il ne serait pas simple de faire travailler ensemble une telle équipe, surtout si l’on considère que dès le départ, il est difficile de définir ce sur quoi on travaille…

L’hypnose serait-elle finalement plus un art qu’une science ?

Autres champs d’application de l’hypnose

L’hypnose pour les sourds

En partenariat avec l’Arche et notamment Pierre-Alain Perrez son Directeur pédagogique, Alexis Karacostas (psychiatre coordinateur de l’unité d’information et de soins des sourds à l’hôpital Pitié-Salpetrière a Paris), a développé une approche de l’hypnose pour les sourds. Approche originale, car il pourrait parraitre impossible de faire de l’hypnose sans la voix, tant elle est importante en hypnose… Un gros travail de recherche et d’adaptation sera réalisé : par exemple « écouter » en language des signes se signe avec un geste qui montre l’oeil (les malentendants écoutent avec les yeux !). Le canal visuel et kinesthésique seront privilégiés, permettant de développer une hypnose adaptée aux sourds et malentendants.

Négociation forces spéciales

L’invité mystère (étant en fonction son identité ne peut être révélée), un négociateur des forces spéciales est venu témoigner des deux principaux usages qu’il fait de l’hypnose en situations extrèmes. Tout d’abord lors des entrainements intensifs, où le corps est poussé à ses limites, et où le mental fait la différence. Dans ces situations, il a constaté qu’une forme de transe se mettait en place, pour repousser le seuil de la douleur et de la fatigue. Il nous décrit une sorte de dissociation où il pouvait piloter son corps comme avec une manette de jeu vidéo…

Plus tard, il suivra une formation en hypnose pour l’intégrer dans les négociations, comme une arme.

Une arme qui fait couler les larmes afin d’éviter de faire couler le sang…

Concert sous hypnose

Pour finir la longue journée de samedi, nous avons pu participer à un concert sous hypnose. Comment la transe peut impacter notre perception et notre expérience lors d’un concert ? C’est une idée très originale, surtout si l’on pense que de toutes façons, il y a de grandes chances que dans un concert nous entrions de nous-même dans une forme de transe. Peut-être même que les concerts que l’on a préférés sont ceux dans lesquels on est entré le plus en transe ?

L’idée ici est de créer une transe spécifique comme une forme de danse entre la musique et les suggestions des hypnotiseurs qui nous invite à un voyage immobile. Expérience difficile à retranscrire !

Par exemple, au début du concert, l’expérience commence avec une visualisation des notes (synesthésie) des instruments de musique, qui viennent danser sur notre main, avec des couleurs et des sensations toutes particulières…

Et en plus, la musique est sympa. Une expérience que Je vous recommande d’essayer ! J’ai mis une vidéo ci-contre pour une petite mise en bouche (tournée lors d’un autre concert que celui du samedi soir du congrès).

Conclusion

Sans entrer dans les détails, je voudrais citer également l’intervention de Michel Bitbol sur la conscience : unité de fragmentation qui propose une modélisation de l’inconscient : la théorie des ébauches conscientes multiples. Egalement la table ronde sur l’hypnose médicale et l’hypnose d’accompagnement composée de plusieurs Docteurs utilisant l’hypnose dans leur pratique médicale. J’ai particulièrement été touché par le Dr Philippe Miras (médecin urgentiste-dentiste), son approche ouverte et pleine d’humilité. Il nous recommande de sans cesse nous former, même au-delà des approches « classiques » de l’hypnose.

De nombreux autres sujets ont été abordés, j’ai choisi arbitrairement les interventions qui m’ont le plus marqué, mais il y aurait tant à dire… Je ne peux que vous recommander de venir la prochaine fois pour vous faire votre propre expérience !

Même si les sujets ont été abordés superficiellement (comment pourrait-il en être autrement lors d’un congrès ?), ce congrès aura nouri ma curiosité, en montrant d’autres voies d’exploration de ce formidable outil qu’est l’hypnose. Il y a tellement encore à découvrir, ou re-découvrir… Vivement la prochaine édition !

Bernard JOUVEL

Pin It on Pinterest

Share This